I CHOSE THIS PATH Ma vie n'a rien d'extraordinaire. On pourrait même la qualifier d'assez banale. Une simple goutte d'eau dans l'océan du monde... Je n'ai jamais été "la plus ceci" ou "la plus cela" et je n'ai jamais eu vocation à l'être. Je me suis vite rendue compte que cet esprit de compétition qui nous pousse à vouloir nous élever au-dessus des autres est source de bien des conflits. J'ai toujours vécu assez paisiblement et j'ai réussi à être heureuse ainsi...
J'ai grandi en Espagne, près de Valence, dans un petit village. Petite fille très curieuse, amicale et assez casse-cou, je m'étais taillée une petite réputation parmi les gens du coin. Préférant largement le skateboard et les simulations de batailles épiques dans la forêt qui bordait le village au poupées, on me voyait comme un garçon manqué. D'ailleurs, je trainais presque uniquement avec des garçons. Bonne élève, j'avais des notes correctes sans trop d'efforts (et il faut dire que je faisais rarement des efforts). Mes parents n'avaient pas trop à se plaindre de moi, si ce n'est pour les vêtements tâchés et/ou déchirés que je ramenais.
Cependant, quand j'eus onze ans, ma famille et moi déménageâmes pour les États-Unis. Mon père avait une opportunité pour un nouveau travail dans une ville appelée Pittsburgh et ma mère rêvait depuis des années de prendre un nouveau départ. J'ai eu beau protester, je n'ai pu les faire changer d'avis et, à contrecœur, j'ai du les suivre, disant ainsi adieu à tous mes amis et mes souvenirs.
Les premiers mois dans cette nouvelle ville furent sans doute les plus longs de ma vie. Je restai cloîtrée à la maison la plupart du temps. Ne parlant pas la langue, je ne pouvais parler à qui que ce soit. Me faire des amis m'était donc impossible et chaque fois que je sortais, je rentrai le cœur lourd à cause de ça.
Mes parents sentirent mon mal-être et m'aidèrent du mieux qu'ils purent. J'eus des livres pour apprendre l'anglais, ils essayaient de m'apprendre, ils m'inscrivirent même à des cours d'anglais pour hispanophone. Je mis tout de même 7 mois à parler un anglais suffisamment correct pour pouvoir aller à l'école mais au moins, je rencontrai mon premier ami lors d'un de ces cours : un garçon appelé Aaron. Âgé de neuf ans et originaire de Madrid. Sa famille avait emménagé en ville quelques mois avant la mienne. Nous sommes devenus inséparables depuis ce jour.
Lorsque j'ai intégré l'école, j'ai eu un peu de mal au départ avec mes camarades mais grâce à mon caractère plutôt sociable, je me suis vite intégrée.
Mes études furent correctes et se passèrent sans trop de vague. Si ce n'est une période "hippie" que j'ai eu vers mes 15-16 ans, qui a duré pendant 3 ans où j'ai un peu laissé aller les études ce qui m'a fait valoir un redoublement.
Ayant vocation à devenir infirmière, j'ai entamé une année préparatoire à la sortie du lycée.
Cette année fut la plus mouvementée de ma vie. Ma mère ayant perdu son travail deux mois après le début des cours, il a fallu que je me dégote un travail étudiant pour payer l'école et le loyer étant donné que mes parents vivaient à l'autre bout de la ville. J'ai donc fait du baby-sitting et de l'aide aux devoirs. Profitant de mon bon contact avec les enfants, j'arrivai plutôt bien à remplir mon planning. Les petits que je gardais m'adoraient et les parents me recommandaient à leurs amis.
Le souci cependant était que l'accumulation des études déjà très rigoureuses, les nombreuses soirées garderie que je faisais par nécessité et la quasi-absence de vie sociale qui en découlait, finirent par me faire craquer un peu avant la fin de l'année. Mes notes se sont effondrées, je n'arrivais plus à rien faire et j'ai finalement dû renoncer à mon année préparatoire. Abattue, je m'apprêtais à rentrer chez mes parents et tenter de me trouver un petit boulot alimentaire quand la mère d'un petit garçon que je gardais souvent les soirs en semaine me proposa de venir travailler dans sa boutique. Elle était fleuriste et bossait dans le centre-ville.
Initialement, j'acceptai ce travail un peu par dépit et parce que je ne me sentais pas de retourner vivre chez mes parents mais au final, je me suis découverte une véritable passion pour la fleuristerie. Le magasin s'est vite présenté à moi comme un petit monde à part entière dans cette ville. Comme un petit refuge aux couleurs chatoyantes. Si je ne savais pas faire grand-chose au départ, ma nouvelle patronne, Marilyn, se révéla être une professeur extraordinaire. Nous restions jusqu'à deux heures après la fermeture les soirs. Elle m'apprenait les rudiments de son art, m'expliquait les différents aspects de son travail, me donnait plusieurs livres à lire chez moi.
Grâce à ça et aux recherches personnelles que je menais à côté, je devint vite utile à la fleuriste. J'arrivai en plus à retrouver un semblant de vie sociale le soir. Je devins une cliente habituée d'un bar jazz où Aaron s'était fait engagé en tant que serveur pour payer ses études. J'assistai à tous les concerts qui s'y passaient. Un musicien a même commencé à m'apprendre à jouer de la clarinette.
Trois ans sont passés ainsi. Je travaille toujours dans la même boutique, je fréquente toujours un peu le même bar avec Aaron, même s'il n'y travaille plus. J'ai des amis ici et là avec qui je passe la plupart de mes soirées et excursions aventure les week-end. Ce ne fut pas sans mal, mais j'ai aussi obtenu récemment mon permis de conduire et bien que je préfère les transports en commun en ville, dès que je pars en vadrouille à l'extérieur, je suis heureuse de retrouver ma cacahuète roulante.
J'entends de plus en plus parler d'histoire étrange à propos de disparition inquiétante, de phénomènes inexplicables et même d'un monde qui vivrait en parallèle du notre. Bien que ça m'amuse d'échanger des légendes urbaines avec des amis le soir devant un film d'horreur, je n'y crois pas franchement...